lundi 21 janvier 2013

Parents français vs. parents américains

Chose promise chose due : voici ma critique de ce fameux article, ou ma lettre à Pamela Druckerman.

J'en profite pour remettre le lien vers l'article au cas où vous ne l'auriez pas lu : Pourquoi les parents français sont supérieurs

Au passage je signale une interview de l'auteur dans Elle (qu'en bonne blogueuse je me suis empressée d'acheter pour nourrir mon sujet). Car oui en plus de cet article, l'auteur a fait un livre, compilant expérience personnelle et études internationale (chose très américaine) que la journaliste, le Dr. AGA, s'empresse de nuancer/critiquer avec humour (chose très française).

Je note tout d'abord que mon dernier poste a suscité quelques commentaires (en live ou pas) que je pourrais principalement résumer à ceci "mmmmm mes enfants doivent être américains. Pas d'autres explications.". J'avoue que ce fût aussi mon premier sentiment (et celui de la journaliste de Elle), en lisant la scène du restaurant. Pour moi, on n’est pas parents tant qu'on a pas eu une crise dans un lieu publique avec un enfant qui se roule par terre.

Avouons que nous, les mères, avons toutes vécu cette scène là :


Et oui parfois nous pensons que le préservatif est une si belle invention (au delà de son efficacité contre le sida, que l'on ne rappellera jamais assez). 


1- Des mamans auto-centrées

Peut être est-ce la première différence entre les mères américaines et les mères françaises. Avouer que parfois, on lorgne sur l'onglet "vente" d'e-bay, ne nous gène pas. Le stéréotype de la mère parfaite française passe aussi par ce petit détachement cynique que les français appliquent à tout et affectionnent particulièrement.

Ensuite l'auteur insiste (dans son article et dans Elle) sur la notion de "moi d'abord" opposé à "mon enfant d'abord". Je pense qu'elle a tout à fait raison. De ce que j'ai pu voir des mères américaine l'enfant passe avant tout. Je pense d'ailleurs que ce n'est pas un hasard si le mouvement "No Child" à commencé là bas en réaction au "Child first".
La France n'est pas un pays féministe. Nous ne sommes pas à la pointe des droits des femmes, nous ne sommes pas fan des "gender studies". Ce n’est pas pour autant que nous n'avons pas été touchés par les mouvement féministes, notamment ceux qui ont apporté la pilule et l'avortement. Mais l'arrivée de ces mouvements ne nous semble pas en contradiction avec le fait d'avoir des enfants. Les femmes ont signé des pétitions, travaillé, milité pour le droit de faire ce qu'elles veulent de leur corps et leurs enfants... ont suivi. C'est pour cela que l'on peut militer au planning familiale tout en ayant envie d'enfants. Pour les françaises les enfants ne sont ni le problèmes ni la question, mais c'est plutôt le choix qui est au cœur de leurs batailles. J'ai l'impression que les choses ne sont pas du tout posées de cette manière pour une américaine.

Néanmoins pour nuancer ceci je ne peux que conseiller la lecture du livre d’Élisabeth Badinter, Le Conflit. Qu'on soit en accord ou pas avec ce qu'elle écrit, dans un passage elle revient sur l'histoire féministe de la France et suggère que le (léger) retour de bâtons que nous constatons est peut être du au militantisme de nos ainées. En gros les femmes se sont émancipées et les enfants ont du suivre. Maintenant que ceux-ci sont grands ils ont à cœur de ne pas reproduire ce schéma et seraient beaucoup plus centrés sur leurs enfants. Voilà qui viendrait nuancer les affirmations de notre Pamela internationale.


Allez c'est la récrée :



J'en profite pour vous conseiller la lecture de ce merveilleux blog : Petit précis de Grumeautique
de l'unique Nathalie Jomard. Voilà à quoi ressemble une VRAIE maman française. 

2- L'autorité naturelle des parents français

Comme nous le démontre merveilleusement bien le blog cité ci-dessus et comme le démontrent quotidiennement nos merveilleux bambins, non, nous les mamans française n'avons pas une autorité innée. Je dirais même qu'on galère.
 Il n'empêche que Pamela a 100 fois raison quand elle dit que c'est notre priorité n°1. Si l'on parcours les forums, de quoi se plaignent les mamans ? "Il ne m'écoute pas" "il répond" "elle me dit "non" quand je lui dis d'aller se coucher" "il ne me dit jamais merci". OK pour les plus grands vient ensuite "il ne fait rien à l'école" en plutôt bonne position (à partir de 6-7 ans), mais on parle ici de petite enfance.

Il m'est apparu évident que la problématique des mères américaines n'est pas celle-la. Pour une maman américaine le Graal est un enfant équilibré. Pour nous, c'est qu'il soit sortable. Oh bien sûr nous voulons aussi des enfants bien dans leurs baskets mais combien de fois ai-je entendu "mais non voyons, tu l'aimes c'est tout ce dont il a besoin". Pour nous l'amour est l'alpha et l'oméga de l'épanouissement de notre enfant, pas le cours de chant ou de dessin. Pour simplifier : on l'aime et c'est bien suffisant. 

D'ailleurs en matière d'éducation quel est le dernier débat américain ? Celui qui a tourné autours de la publication du livre "Maman Tigre" d'Amy Chua. Cette maman américano-chinoise considérait que les américains sont bien trop tendres avec leurs enfants et qu'un dessin de fête des mères doit finir à la poubelle si il n'est pas une copie acceptable d'un Léonard De Vinci. Bref la clef de la réussite c'est l'exigence et l'excellence dès le plus jeune âge. Nous y voilà. 
Les américains se sont jetés sur ce débat car le but de leur éducation doit être la réussite. L'enfant doit se choisir une voie, s'accomplir dans celle-ci et devenir tout bonnement le meilleur. Ce n'est pas un hasard si la très très large majorité des films américains pour enfants ont pour thème l'accomplissement personnel. "Accompli-toi", "crois en tes rêves", "trace ta route" sont des refrains que l'on entend tout au long de ces films. Le fait qu'il ne peut y avoir 6 milliards de Lady Gaga ou d'aspirantes Lady Gaga n'est pas un argument pour eux.  
Pour nous, ces messages semblent incongrus. 
Et à ce stade de ma réflexion je vais avancer en terrain glissants mais tant pis : je pense que ces différences sont historiques et géographiques. Nous sommes un peuple qui vit sur une terre plutôt densément peuplée, l'Europe, sur laquelle se lient et se déchirent une mosaïque de peuple. Il nous aura fallu plus de 2000 ans pour vivre sans (trop) de guerre et construire quelque chose ensembles. Dans ces conditions nous avons été obligés de composer avec les autres. Il n'est pas illogique de penser que notre besoin de "respectabilité" vient de là. Il faut que notre enfant sache se tenir parce qu'il n'est pas seul, parce que nous ne sommes pas seuls.

Les américains, eux se sont construits en partant à l'assaut de vastes territoires. Leur but ? Partir loin et y monter leur commerce. On est bien dans l'idée d'une réalisation personnelle vs. une collaboration pluriculturelle.

Je rapprocherais plus notre modèle du modèle japonais dans lequel chacun n'est qu'un maillon d'un ensembles. C'est flagrant quand on va au Japon : il y a des employés partout ! Sur le quai du métro, pour tenir une porte, fournir un renseignement, ces métiers sont omniprésents alors qu'ils ont totalement disparus en France (et je n'ose même pas parler des États-Unis).  La conséquence première, c'est que le taux de chômage est très bas. La seconde conséquence c'est que tout le monde à une place dans la société. Pas forcément la place de ses rêves mais une place quand même et surtout une utilité.
Enfin ce que je considère comme la troisième conséquence c'est que les usages sociaux (politesse, coutume etc...) sont extrêmement forts et ont une place centrale.
 Les États-Unis sont à des années lumières de ce schéma. 
  
Pamela n'a donc pas tout à fait tord quand elle dit que l'autorité et la politesse sont l'axe principale de notre éducation. Ce n'est pas que nous sommes plus douées, c'est que nous sommes plus convaincues car c'est le plus important pour nous. Ajoutons à cela que contrairement aux américaines, nous ne voyons pas notre enfant comme un partenaire, un égal, mais comme une personne en dessous de nous, qu'il nous faut élever. Nous ne faisons pas grandir nos enfants, nous les élevons au rang d'adulte, de citoyens.

La conséquence négative de tout cela, Pamela n'en parle pas dans cet article et en parle très peu dans Elle. C'est bien dommage car à mon sens cela donnerait plus de poids à se démonstration. 

La conséquence c'est que l'enfant doit se plier au monde de l'adulte et que les parents doivent se plier au monde des nullipares. Ma belle mère m'a mainte fois raconté son arrivée à New York dans les années 70 avec un enfant de 3 ans. Enfin il y avait des grands trottoirs pour circuler avec sa poussette, enfin il y avait des gens qui jetaient un regard bienveillant sur son statut de mère au lieu de voir cela comme une gène. Pour la première fois, elle avait l'impression que des choses étaient prévues pour son enfant. Quiconque à pris le métro ou circulé une heure en poussette à Paris conclura de lui-même que ce n'est pas le cas en France. L'enfant étant un non-sujet, on n'a pas à faciliter la vie de sa mère avec des équipement pratiques.

L'autre conséquence c'est que l'enfant doit très vite apprendre à se couler dans la règle et dans la norme. Ainsi durant sa scolarité, dans une rédaction on ne lui demandera pas d'exprimer un point de vue, encore moins de faire preuve de créativité mais plutôt d'être capable de construire un raisonnement et cela sans aucune faute d'orthographe. C'est un système qui peut s'avérer destructeurs pour les enfants. La France n'est d'ailleurs clairement pas à la pointe pour tout ce qui est de la prise en charge des enfants différents. Pour les États-Unis la différence est la norme, pour la France c'est une faute de goût.

Alors oui on va dire que cet article comporte beaucoup de clichés. Oui il y a aussi des lacunes. On y trouve aussi quelques travers (mais QUAND les américains arriveront-ils à se débarrasser de cette obsession au sujet de nos assiettes et de leur contenu ?). Mais l'éloge n'est finalement pas si mal vu. Et l'élevage de grumeau étant finalement l'un des passe-temps les plus culpabilisants qui soient, il serait malvenu de cracher dans la soupe. Que l'on nous sert le sourire aux lèvres.
  

1 commentaire:

  1. Enfin il y avait des grands trottoirs pour circuler avec sa poussette, enfin il y avait des gens qui jetaient un regard bienveillant sur son statut de mère au lieu de voir cela comme une gène.

    Tu sais à Berlin, c'est pareil. Est-ce que pour autant l'éducation des enfants allemands part autant à vau-l'eau que celle des américains (du moins comme il est expliqué dans l'article) ?

    Peut-être y a-t-il un équilibre, finalement ...

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