jeudi 3 janvier 2013

Former une équipe au lieu de lire des notices

Voilà un poste que je n'aurais jamais imaginé écrire il y a 7 ans.

Mais avant tout je vous conseille la lecture de cet article, qui se contente de raconter une histoire sur la pilule.

Ce noël que Sophie 21 ans a failli ne jamais fêter.

Mon histoire :

Il y a 7 ans j'allais chez le médecin de temps en temps pour mes allergies, une angine, une petite question sur mon poids (parfait à l'époque). Mon médecin représentait pour moi la même chose qu'un cordonnier habile, une secrétaire d'université accommodante etc... Il était là pour des petits soucis techniques basiques, me signer le bon papier et puis basta. Je l’appréciais et c'est tout.

Et il y a 7 ans j'ai rencontré mon compagnon (malgré notre mariage, je reste attachée à ce terme) porteur d'une malade orpheline (moins de 1000 cas en France je crois).
Je suis alors rentrée dans le monde des médecins. Au départ cela n'a eu aucune incidence, je n'ai rien remarqué sinon qu'en général nous en savions plus sur sa maladie que les médecins souvent incapables de prononcer son nom. Il a fallu vivre avec quelques questions sans réponses (toujours difficile pour moi pour qui "savoir c'est pouvoir"). Mais bon on avait le temps, on s'en moquait.

Et puis un soir, la douleur est arrivée, la fièvre, l'inquiétude, les urgences. J'étais persuadée que cela avait un rapport avec sa maladie. Mais la jeune interne nous a renvoyé à la maison avec rien d'autre que "une petite infection de la peau" et un médicament, avec un rassurant "consultez dans 3 jours si ça ne va pas mieux".
Mon compagnon avait 40° de fièvre vomissait de douleur et n'était pas toujours conscient. Alors j'ai décidé de me remuer, de rameuter ceux que je connaissais, de chercher ceux qui pouvaient confirmer ou infirmer mon intuition. J'ai fini par trouver et il s'est avéré que mon mari avait un infection extrêmement grave qui était en train de dégénérer en septicémie et que nous avions que quelques heures pour agir. Il a été soigné et s'en est sorti sans séquelles. Le diagnostique a été posé par téléphone par quelqu'un qui ne voyait pas le patient mais qui a su simplement m'écouter.

Et moi j'ai appris qu'il ne faut pas toujours écouter un médecin et que ça peut vous sauver la vie.


Par la suite c'est ma santé qui s'est dégradée par petites touches. Mais rien de grave selon le médecin car tout rentrait dans l'ordre.

Puis mon fils est né et ce fût une boucherie. Mais chaque pédiatre, gynécologue, médecin y allait de son commentaire "heureusement que vous étiez dans cet hôpital, là-bas ils réaniment vite est bien.", "vous savez c'est très fréquent", " les réactions de votre corps sont normales elles correspondent à celles qu'on peut constater chez les victimes de viol". J'ai appris qu'on pouvait être diplômé du même endroit, avoir fait les même études et dire des choses totalement opposées. Et que j'allais devoir faire mon tri.

Ma santé continuait à se dégrader. J'étais méconnaissable, j'avais pris 9 kg en 3 mois (20kg sur 7 ans), je pouvais dormir 12h par nuit + 3 heures de sieste et être épuisée, alterner les bouffées de chaleurs et bien d'autre symptômes plus gênants... Et quand je demandais de l'aide, on me prescrivait des examens et... rien. On m'a même dit "je ne vais pas vous envoyer voir un endocrinologue, vous le dérangeriez pour rien".

J'ai fini par taper du poing sur la table. Et j'ai trouvé une personne à mon écoute... qui m'a envoyée voir le fameux spécialiste trouvant qu'un deuxième avis dans un domaine qui n'était pas le sien ne serait pas perdu. Et ce dernier m'a immédiatement demandé "mais pourquoi n'êtes vous pas venue plus tôt ?".

La médecine a pris une grosse place dans ma vie, une place que je n'aurais pas imaginée il y a 7 ans. Peut être que c'est ça de vieillir. En tout cas je sais maintenant qu'un bon carnet d'adresse peut sauver/changer une vie. Je sais qu'une équipe à l'écoute et compétente lors d'un moment difficile peut changer la donne aussi bien physiquement que psychologiquement (encore merci à Necker, au passage !).
J'ai surtout appris qu'un médecin a peut être fait des années de médecine mais que je vis avec mon corps depuis 30 ans et le connait comme personne et qu'il est fondamentale de suivre mon intuition. Je sais que beaucoup m'ont cru hypocondriaque mais je sais aussi qu'une toute petite pilule (le lévothyroxe pour ne pas la nommer) a changé la donne et m'a donné raison.

Malheureusement cela reste un parcours du combattant.

Ce parcours, certains le perdent. Mon grand-père est décédé trois jours après être sorti de l’hôpital. Il ne mangeait plus, ne marchait, plus ne pouvait plus s'assoir, ni boire un verre d'eau. Mais ses résultats était bons. Mon grand père est donc mort en bonne santé. Cela faisait trois mois que nous tirions la sonnette d'alarme. On alternait les moments de doute ("est-il gravement malade ?" "Se moque-t-il de nous ?" "Est-ce psychologique ?" "Les médecins nous cachent-ils quelque chose ?"...), lui même était terrifié. Ma grand-mère se pose toujours des questions et se demande encore si il a "lâché l'affaire" ou si il a juste trouvé plus fort que lui et si elle n'aurait pas pu faire mieux.

Pour rire un peu :

Il y a aussi le versant rigolo de ces pratiques. Je n'oublierai JAMAIS ce jeune étudiant en médecine voulant faire le fier, qui m'a fait tout un cours/sermon sur mon supposé diabète de grossesse et qui s'est avéré incapable de poser un monitoring ni même de repérer ou était la tête et le dos de mon bébé de 4kg. J'ai eu la charité de ne pas le faire à sa place (à 9 mois de grossesse je maîtrisais pas trop mal le truc sur mon propre corps avec mon propre bébé), car je ne voulais pas trop l'humilier. En réalité j'aurais peut être du. En tout cas ce souvenir me redonne toujours le sourire quand l'attente est trop longue en salle d'attente.

Ou encore cette visite chez le pédiatre :
- Il a quoi ?
- Je ne sais pas mais ça va pas.
- Température ?
- 37.5°
- Il mange ?
- Que du sucré depuis trois jours, mais il descend.
- Il dort ?
- Pas moins que d'habitude.
- Symptômes ?
- Ben il tousse. Rarement mais à chaque fois il a un peu de mal à trouver de l'air. Rien de vraiment inquiétant. Les yeux coulent un peu mais seulement depuis une heure. Bref je sais vraiment pas mais je sens que ça ne va pas.
*moue dubitative.
/ausculte mon fils
-bon ben double otite dont une purulente à droite, laryngite purulente, bronchite asmathiforme, et ah oui j'oubliais il y a aussi une conjonctivite purulente. Vous avez finalement bien fait de venir.

Mes conclusions et mon avis sur cette fameuse pilule :

Pourquoi raconter tout cela ? Parce que c'est important d'avoir l'envers du décors. Il y a plus de patients que de médecins alors intéressons nous à ce qu'ils vivent. Mourir quand on est une personne âgée est une chose. Mourir en bonne santé en laissant une trainée de questions, en est une autre. Oui la manière de faire compte et c'est justement cette manière qui devrait être à la base et dont on ne parle malheureusement jamais.

Alors aujourd'hui face à ce débat sur les pilules 3ème et 4ème génération, je pense que l'on se trompe. Le problème n'est pas d'informer ni de limiter encore moins d’interdire. Le problème c'est avant tout d'écouter. Et de ne pas laisser repartir une jeune fille à qui on a demandé 30 flexions et qui est incapable de les exécuter. En effet si on demande un examens ce n'est pas pour nier ses résultats.
Il faut donc écouter les corps et écouter les patients. Combien de cours en école d'infi. ou en fac de médecine sont consacrés à l'écoute ? Lorsqu'on apprend à poser un diagnostique y a-t-il un chapitre sur la parole du patient ? Et si oui c’est combien de % dans l'établissement du diagnostique final ?

Le problème n'est pas la pilule en elle même, car comme tout médicament elle comporte des risques, et globalement on le sait toutes. Le problème c'est la manière dont est recueilli la parole du patient et le dialogue qui s’établit avec lui. Le médecin a une connaissance générale et le patient une connaissance particulière. A eux deux ils doivent former une équipe, car se battre contre les médecins est aussi épuisant qu'être malade et laisse autant de traces. J'y ai personnellement perdu pas mal de plumes.

Mais pourquoi personne, dans ce débat, n'a-t-il rappelé que ces jeunes filles sont mortes (ou ont failli l'être) de ne pas avoir été écoutées ?


Sur ce je vous souhaite une année 2013 sans médecin. Car de bons médecins c'est bien mais sans médecin c'est mieux ;-)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire